La Pléaide

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Premiers écrits chrétiens
L'actualité de la Pléiade

Actes des martyrs scilitains (extrait).

18 octobre 2016

Cet interrogatoire d’un groupe de chrétiens par le proconsul Publius Vigellius Saturninus, gouverneur de la province romaine d’Afrique, eut lieu le 17 juillet 180. Le texte qui le rapporte est le plus ancien écrit chrétien de langue latine à être parvenu jusqu’à nous.

Sous le consulat de Praesens (pour la seconde fois) et de Condianus, le seizième jour avant les calendes d’août, à Carthage, une fois Spératus, Nartzalus et Cittinus, Donata, Sécunda, Vestia introduits dans son bureau, le proconsul Saturninus dit :
« Vous pouvez obtenir l’indulgence de notre seigneur l’empereur, si vous revenez au bon sens. »
Spératus dit : « Nous n’avons jamais fait de mal ni participé à aucune iniquité. Nous n’avons jamais rien dit de mal ; mais, quand on nous maltraitait, nous avons rendu grâces, parce que nous respectons notre Empereur. »
Le proconsul Saturninus dit : « Nous aussi, nous sommes religieux, et notre religion est simple : nous jurons par le génie de notre seigneur l’empereur et nous offrons des sacrifices pour son salut. Vous devez le faire vous aussi. »
Spératus dit : « Si tu veux bien écouter tranquillement, je te dirai le mystère de la simplicité. »
Saturninus dit : « Si tu commences à parler mal de nos rites sacrés, je ne t’écouterai pas. Mais jure plutôt par le génie de notre seigneur l’empereur ! »
Spératus dit : « Moi, je ne connais pas l’empire de ce monde, mais je sers plutôt ce Dieu qu’aucun homme n’a vu ni ne peut voir de ses yeux. Je n’ai pas commis de vol ; si j’achète quelque chose, je paie la taxe, car je connais mon Seigneur, le Roi des rois et l’Empereur de toutes les nations. »
Le proconsul Saturninus dit à tous les autres : « Abandonnez cette croyance. »
Spératus dit : « La croyance mauvaise, c’est de commettre l’homicide, de prononcer un faux témoignage. »
Le proconsul Saturninus dit : « Ne vous associez pas à la folie de celui-ci ! »
Cittinus dit : « Nous ne craignons personne, sinon le Seigneur notre Dieu qui est dans les cieux. »
Donata dit : « Honneur à César en tant que César, mais crainte envers Dieu. »
Vestia dit : « Je suis chrétienne. »
Sécunda dit : « Ce que je suis, je veux l’être. »
Le proconsul Saturninus dit à Spératus : « Tu persévères à te dire chrétien ? »
Spératus dit : « Je suis chrétien », et tous se déclarèrent d’accord avec lui.
Le proconsul Saturninus dit : « Voulez-vous un délai pour réfléchir ? »
Spératus dit : « Dans une affaire aussi claire, il n’y a pas à changer d’avis. »
Le proconsul Saturninus dit : « Qu’y a-t-il dans votre coffret ? »
Spératus dit : « Des livres : des épîtres de Paul, un homme juste. »
Le proconsul Saturninus dit : « Prenez un délai de trente jours pour vous raviser. »
Spératus dit de nouveau : « Je suis chrétien », et tous se déclarèrent d’accord avec lui.
Le proconsul Saturninus lut la sentence sur une tablette : « Spératus, Nartzalus, Cittinus, Donata, Vestia, Sécunda et tous les autres qui ont reconnu vivre selon le rite chrétien, puisqu’ils ont refusé obstinément, alors que la possibilité leur en était offerte, de revenir à la coutume des Romains, il a été décidé qu’ils seraient exécutés par l’épée. »

Traduit du latin par
Jean-Marie Salamito.