La Pléaide

Retour au sommaire
Luther
L'actualité de la Pléiade

Luther, Missive sur la traduction et l’intercession des saints, 1530 (extrait).

Avril 2017

Si votre papiste veut faire le suffisant avec le mot sola, « seule », « seulement », dites-lui tout net que le docteur Martin Luther veut qu’il en soit ainsi et affirme qu’un papiste et un âne sont une seule et même chose ; sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas. En effet, nous ne voulons point être les élèves ou disciples des papistes, mais leurs censeurs et leurs juges. À notre tour, nous allons nous pavaner et faire les fanfarons face à ces têtes d’ânes ; et, à la façon de Paul se vantant face aux saints insensés, je vais également me vanter face à mes ânes. Ils sont docteurs ? Moi aussi. Ils sont savants ? Moi aussi. Ils sont prédicateurs ? Moi aussi. Ils sont théologiens ? Moi aussi. Ils sont rompus aux disputations ? Moi aussi. Ils sont philosophes ? Moi aussi. Ils sont dialecticiens ? Moi aussi. Ils sont lecteurs ? Moi aussi. Ils écrivent des livres ? Moi aussi.

Et je vais continuer à me vanter : je sais interpréter les psaumes et les prophètes — ils ne le savent pas. Je sais traduire — ils ne le savent pas. Je sais lire la sainte Écriture — ils ne le savent pas. Je sais prier — ils ne le savent pas. Et pour finir cette énumération : je sais leur propre dialectique et leur philosophie mieux qu’eux tous réunis. En outre, je sais qu’assurément, aucun d’entre eux ne comprend son Aristote. Et que je sois roué de coups si un seul parmi eux tous comprend correctement un seul prooemium ou chapitre d’Aristote. En disant cela, je ne m’avance pas trop, car j’ai été élevé et instruit dès ma jeunesse par toute leur science, et je sais parfaitement bien combien elle est profonde et vaste. C’est pourquoi ils savent bien pour leur part que je suis aussi savant et compétent qu’eux ; et cependant, ces méchantes gens agissent à mon endroit comme si j’étais un nouveau venu dans leur science, tout juste arrivé le matin même, qui n’a jamais vu ni entendu ce qu’ils enseignent ou savent. C’est pourquoi, pleins de superbe, ils paradent avec leur science et m’enseignent ce que je sais déjà dans les grandes largeurs depuis vingt ans, de sorte que je suis contraint de mêler mon chant à celui de la première fille venue pour répondre à leurs braiments et à leurs criailleries qu’il y a déjà belle lurette que je sais que les clous de ferrure sont en fer.

Voilà pour la réponse à votre première question, et je vous prie de bien vouloir refuser de répondre autre chose aux braiments arrogants que profèrent ces ânes au sujet du mot sola, si ce n’est que Luther veut qu’il en soit ainsi, qu’il déclare qu’il est un docteur qui surpasse tous les docteurs de la papauté entière : vous en resterez là. Dorénavant, je les traiterai purement et simplement par le mépris et j’entends qu’on fasse de même tant qu’ils restent tels qu’ils sont — je veux dire des ânes. En effet, il y a parmi eux des idiots d’une impudence telle qu’ils n’ont même jamais appris la science
dont ils se réclament, celle des sophistes — par exemple le docteur Lefèvre, le docteur Lemorveux et leurs semblables —, et qui néanmoins s’opposent à moi en cette matière qui ne dépasse pas seulement la sophistique, mais aussi (comme le dit saint Paul) la sagesse et la raison du monde entier. En vérité, un âne n’a point besoin de trop chanter, car de toute façon on le reconnaît bien à ses oreilles.

Traduit de l’allemand par
Hubert Guicharrousse

Auteur(s) associé(s)